Comment je suis devenu Conseil en communication du D-G
C'est en septembre 1987 que Gérard de Senneville m'a téléphoné pour m'annoncer la nouvelle. Il allait être nommé au poste de Directeur Général de l'EPAD, un organisme public chargé de l'aménagement du quartier de La Défense. Architecte urbaniste, je me suis spécialisé depuis 1974 dans la communication institutionnelle. Cela fait déjà longtemps que nous travaillions ensemble sur divers projets comme La Mission des villes du Massif central ou La mission interministérielle Urba 2000 et nous étions devenus amis. Il devint effectivement DG du 19 décembre 1987 au 1er juin 1990.
J'avais acheté en 1974 un atelier au "Centre artisanal de La Défense" dans la zone B, à savoir, le quartier du Parc de Nanterre et je me suis ensuite installé en 1980 dans un appartement au Central Parc du côté du RER Nanterre préfecture. Cet immeuble avait été réalisé par Jacques Kalisz, un de mes enseignants en architecture. J'avais été élu de 1983 à 1989 à la mairie "de désunion de la gauche" et les deux quartiers de La Défense, je les connaissais bien car j'y vivais et j'y travaillais. Architecte et conseil en communication institutionnelle, je voyais ces deux quartiers sous tous les aspects.
Et justement, Gérard m'a demandé de visiter ensemble toute La Défense pour que je lui fasse connaître son nouveau domaine d'intervention. Il avait comme mission de fermer l'établissement public, créé en 1958 pour trente ans et devenu sans objet. Et 1988, c'était dans quelques mois. De ces visites détaillées, de nombreuses conclusions ont été tirées et une stratégie a commencé à se dessiner. Je résume ici ma contribution à la communication de l'EPAD qui est peu connue ou oubliée. Il ne s'agit donc pas d'un historique de toute les actions de communication de l'Epad.
Réhabiliter "l'organisme qui n'existait pas"
Christian Pellerin |
Ensuite, l'EPAD n'existait pas, gommé par les actions de communication efficaces du promoteur Christian Pellerin qui se résumait en une formule : "La Défense c'est moi. L'Epad? Connait pas."
Cet organisme n'avait pas de réelle existence auprès du public qui le connaissait plutôt comme une assemblée de techniciens sans âme. Pas de logo non plus.
Enfin, ce quartier d'affaires (et d'habitations) était mal connu du grand public ou n'avait pas une très bonne réputation. Il y avait beaucoup de points de confort et d'usage à améliorer. Il fallait corriger tout cela.
Mes autres publications sur La Défense
Les actions de communication
Un avenir avec de nouveaux projets dont
le prolongement de La Défense sur Nanterre
Donc, il fallait redonner un avenir à l'Epad et à ses employés en montrant que de
nombreuses actions restaient à réaliser, ce qui fut fait avec
l'achèvement de la dalle, la création de nouveaux quartiers etc. Il y a eu surtout (une bonne surprise) le prolongement de l'Axe sur
Nanterre vers la Seine que G. de Senneville a initié. Et je pense avoir contribué à cette décision.
Début des travaux en 1992 |
Les difficultés aussi étaient énormes à cause du terrain, certes, mais aussi par l'opposition systématique de la mairie communiste de Nanterre qu'il a fallu lever.
Nous en avons souvent discuté avec Gérard. C'est un projet que j'ai longtemps porté. Et il semble qu'il ait tenu compte de mes suggestions. J'avais prophétisé cette extension dans la dernière phrase de la plaquette "30 ans 30 événements" en 1988. J'écrivais: "Un avenir maintenant situé de l'autre côté de l'Arche. Pour plus tard. Peut-être". Cette page ne figurait plus dans les éditions de Histoire et histoires qui ont suivi car cette prophétie s'est réalisée.
Genèse du projet d'extension
M. Sapin et F. Hollande |
En effet, le 1er aout 1990, l’État a chargé l'EPAD de mettre en œuvre le programme Seine-Arche constitué
surtout de logements et d'espaces verts (voir ici). Pour ce faire, la mission de l'EPAD a été prolongée de 1992 à 2007. C'est le ministre de l'équipement, Michel Delebarre, un ami personnel de Gérard de Senneville, qui l'a annoncé. Mais ce n'est pas de Senneville qui mettra en œuvre ce programme car il a démissionné en 1990.
L'axe a été poursuivi sur Nanterre de la Grande Arche jusqu'à la Seine (Photo 2020) Cliquez pour zoomer |
Dans "Histoire et histoires" de 1991, je parlais de "Juste réhabilitation" de Nanterre. Une victoire. Voici un extrait sans équivoque:
Maintenant, le projet est devenu réalité |
« En fait, au cours des décennies, Nanterre n'a pas eu les meilleures parts de ce grand gâteau qu'est devenue La Défense. En simplifiant : à Puteaux et à Courbevoie les bureaux qui rapportent beaucoup de taxe professionnelle et les monuments de prestige, et à Nanterre les voiries qui cisaillent son territoire, les cités HLM qui relogèrent les expulsés des bidonvilles et des administrations qui ne rapportent rien. La commune était devenue -il faut bien l'avouer- l'arrière-cour du quartier d'affaires, une arrière-cour qu'il fallait maintenant remettre en état. La mise en valeur de Nanterre n'était même que justice...».
Faire connaître le travail accompli par l'Epad (Fêtes du Trentenaire)
30 ans 30 événements. Cette page annonce la prolongation de l'Epad jusqu'en 1992 |
Une plaquette a retracé l'Histoire de La Défense au travers de 30 dates essentielles. Ce fut la publication de "30 ans 30 événements" qui valorisait le travail de l'Epad et que j'ai rédigé pendant l'été 1988 à la demande du directeur. (Voir ici).
Cette plaquette de 70 pages a été rééditée plusieurs fois (250.000 exemplaires) sous le nom de "Histoire et histoires". Elle sert toujours de référence, et se trouve dans des bibliothèques prestigieuses comme celle de l'Harvard University.
Mais cette publication n'est pas référencée à la Bibliothèque Nationale car le dépôt légal n'a pas été fait. Le Guide de l'Architecture n'a pas d'ISBN non plus d'ailleurs. (Merci Hervé B...)
La première exposition dans la Grande Arche fut celle de l'Epad
Une exposition qui présentait la Défense et le travail de l'Epad a été organisée en 1989 dans le socle de La Grande Arche à peine finie. Il n'y avait pas de lieu plus prestigieux pour cette exposition.
Le socle est un lieu sans fenêtre. J'ai décidé de jouer sur cette pénombre. Nous avons réalisé une présentation originale avec des "kakémonos" blancs qui étaient suspendus du haut plafond sans toucher le sol. Une grande photo étaient éclairée par une dalle de parquet remplacée par un panneau lumineux fabriqué spécialement avec un texte explicatif. Des audiovisuels et des maquettes complétaient cette présentation. Cette exposition est restée longtemps dans le socle avant que l’État ne lui trouve une autre destination.
L'exposition Epad dans le socle de l'Arche est la 1ère que j'ai conçue |
Donner une identité à l'Epad et tout signer par un logo
Logo créé à l'occasion des 30 ans de La Défense |
Aussi étrange que cela puisse paraître, l'Epad ne signait rien et n'apparaissait que très peu. Il fut décidé de créer un logo. Il allait figurer sur les pancartes de tous les chantiers, sur toutes les publications, lors de toutes les actions de communication.
Dans la grande salle de réunion de l'Epad dans la tour Fiat, G. de
Seneville avait réuni une quarantaine de cadres pour examiner les trois
propositions du bureau de design Carré Noir. Après divers avis, le
directeur se tourna vers moi et me demanda : "Et toi Patrick, qu'en
penses-tu?".
Ensuite, ce logo a été enfermé dans un carré noir, puis le carré a été légèrement incliné, puis il a été remplacé par d'autres... plus abstraits.
Donner une âme et une histoire au quartier
Les habitants des grandes tours ignoraient tout de l'histoire du quartier d'affaires et pas grand chose ne les distinguaient des immeubles collectifs anonymes des autres banlieues. Aussi, l'un des rôles des fêtes du trentenaire était d'inscrire La Défense dans l'histoire du grand axe créé en 1606, et progressivement réalisé du Louvre jusqu'à leur quartier.
La plaquette 30 ans 30 évènements a été distribuée à chaque famille dans ce but. Plus tard, en 1994, j'ai conçu et mis en œuvre un Musée de La Défense pour mettre en valeur ce travail et cette histoire avec l'aide du service archives et ses maquettes. En particulier, Michel Hennuyer m'a aidé à mettre en scène cette exposition.
Le Musée de la Défense en 2013 |
Un Point Info pour s'y retrouver et faire des expositions
Un Point Info Défense existait mais, trop discret, il fut renforcé à ma demande sur la dalle pour renseigner les visiteurs. Beaucoup de gens étaient perdus dans ce dédale de tours. "Où se trouve Horizon 80? Et les distributeurs de billets?" etc.
L'espace Info Défense était aussi un lieu d'expositions |
Renseigner, et aussi valoriser. Peu à peu cet espace devint important car c'est un véritable lieu d'exposition qui fut créé sur la dalle, près du Bassin Agam. Un demi-cylindre en toile d'une quarantaine de mètres qui a abrité plusieurs expositions. Agam n'était pas très content car elle gâchait la vision de son bassin. Il faut bien avouer que cette structure provisoire n'était pas très belle... Elle fut remplacée plus tard par un bâtiment en dur.
Une première exposition sur les œuvres d'art
En particulier, j'ai créé une exposition sur les œuvres d'art mal connues du public.
Chacune des 60 œuvres était présentée par une grande photo et un texte explicatif en une longue enfilade de panneaux noirs. Un gigantesque plan du quartier avec un tableau presse-bouton permettait de situer chaque œuvre avec un descriptif. Ce plan détaillé avait demandé un gros travail à mon équipe des Ateliers Média. Ce plan avait également servi pour une exposition sur l'architecture et les quatre générations d'immeubles. Une plaquette avait été créée par Noëlle Avele qui travaillait sur ce domaine à l'Epad.
J'avais également conçu un programme informatique pour un moniteur géant d'ordinateur (pour l'époque). Un écran tactile (tout nouveau en 1992) permettait de connaître le chemin d'accès depuis le Point Info vers une œuvre et le temps de parcours. De nombreuses maquettes d'œuvres d'art complétaient cette exposition mise en œuvre avec le service archives.
Une signalétique nécessaire dans ce dédale
Une borne SITU (photo) fut également testée sur la dalle. C'était l'ancêtre de Google Maps alors que l'internet n'existait pas encore.
Plus tard, un Guide pratique fut publié donnant tous les renseignements pour accéder partout et tout trouver. Il a fallu faire un inventaire exhaustif et chercher tous les chemins d'accès aux parkings et ensuite aux tours, ce qui fut un travail de longue haleine que je fis avec mon équipe des Ateliers Média.
On arrive à La Défense dans la pénombre et le glauque
La salle d'échanges actuelle |
C'est ce que je fis constater à de Senneville lors de nos visites.
En résumé, on arrive par le RER ou la SNCF dans une vaste salle d'échange sinistre, obscure faute d'un bon éclairage et sans âme.
Une vaste opération de réhabilitation de ce hall fut entreprise avec difficultés à cause des lourdeurs des organismes de transports publics et de toutes leurs contraintes. Mais peu à peu, l'éclairage fut transformé en particulier en peignant le plafond gris béton en blanc et avec un éclairage par réverbération. Et des boutiques animèrent le lieu.
Fresque de Serge Klasen |
Le parking central eut même les honneurs de devenir entièrement une œuvre d'art grâce aux fresques et peintures au sol de Serge Klasen.
La future gare du RER E (Eole - 2023) sera particulièrement bien éclairée. Voir ici
Maquette de l'éclairage de la gare Éole (2023) |
Faire découvrir les cathédrales englouties
Sous l'immense dalle piétonne de La Défense, il existe des espaces gigantesques, inconnus, interdits au public ou insolites. Toute une vie secrète s'y organise, trésors oubliés, nouveaux troglodytes, détournements d'usage...
En tant que conseil en communication du directeur général de l'EPAD, j'ai eu la chance d'avoir eu connaissance de ces lieux et le privilège d'être le premier explorateur autorisé à découvrir tout ces espaces mystérieux de La Défense. J'ai décrit ces lieux insolites, interdits ou inconnus dans la Revue Autrement (voir). Gérard de Senneville a été intéressé par ces lieux inconnus et il a fait organiser des visites Portes ouvertes lors des Journées du patrimoine.
Aujourd'hui, les successeurs de l'Epad sont en train de récupérer ces espaces perdus qui ne le seront plus. En effet, "Paris La Défense" va transformer ces lieux comme ici.
Devenir un quartier touristique pour faire connaître La Défense
Avec ses nouvelles tours et la Grande Arche, avec les sculptures monumentales, le nouveau CNIT et de nombreuses manifestations artistiques, avec le Point infos et ses expositions, avec le Musée, le quartier d'affaires est devenu une étape incontournable des visites à Paris.
De nombreux Tours opérateurs avaient inscrit la Défense dans leurs circuits. Et c'est ainsi que le quartier a accueilli en moyenne plus de deux millions de visiteurs chaque année participant ainsi à sa renommée mondiale.
En conclusion
Gérard de Senneville |
Peu de gens à l'EPAD connaissent mon travail car il était fait dans le bureau du Directeur.
Après le départ d'Andrée Lebrat, c'est Françoise Launier qui fut nommée directrice de la communication. Ce choix fut amèrement ressenti par Hervé Bonnat qui pensait que ce poste lui revenait. Nos relations n'en furent pas beaucoup facilitées.
J'ai aussi aidé à moderniser cet organisme en le faisant équiper de ses premiers ordinateurs en 1988. Des Macintosh Apple, au grand dam du service informatique balbutiant qui a commandé ensuite des PC IBM.
Et j'ai aidé à constituer une photothèque et à retrouver des photos et diapositives d'archives. J'ai posé cette question pour illustrer Histoire et histoires à Andrée Lebrat. Elle m'a ouvert une armoire fermée à double tour où s'entassaient en désordre dans le fond des pochettes plastique avec des diapositives. Depuis, les choses ont bien changé.
Ce fut un travail passionnant pour moi, un travail d'analyse, d'impulsion, de création et de réalisations avec la collaboration du personnel de l'Epad.
Un travail considérable a été fait par Gérard de Senneville en trente mois seulement (jusqu'au clash avec le maire de Puteaux...). Il a relancé l'Epad avec de nouveaux projets majeurs dont la poursuite de l'axe vers la Seine et l'établissement existe toujours aujourd'hui en 2021, 30 ans plus tard.
Après son départ, j'ai continuer à travailler avec le Service communication dans le même esprit, grâce à Françoise Launier sa directrice et avec la complicité de Michel Hennuyer (devenu maître d’œuvre du service communication).
Le nouveau logo 2020 |